31 décembre 2020

Disque : Just Rock and Roll Music, par Bill Haley

Au 123, rue Oberkampf à Paris (France) existait un disquaire spécialisé dans le rock des années 1950-1960 : les Disques Sannino, tenue par feu Ciro Sannino, commerçant rondouillard qui avait vu Gene Vincent sur scène lors de sa tournée dans le Nord en 1963. Dans cette boutique, je fis l'acquisition du 33 tours de Bill Haley : Just Rock and Roll Music ; il neigeait, c'était le 31 décembre 1985, Bill Haley était mort depuis quatre ans.

Bill Haley Sonet 1973
L'album Just Rock and Roll Music,
enregistré par Bill Haley en 1972.
A cette époque, je possédais de nombreux enregistrements de Haley chez Decca (réédités par MCA), ainsi que les disques produits par Sonet en 1968, 1970 et 1979. Just Rock and Roll Music manquait donc à ma collection. Enregistré fin 1972 aux studios Woodland de Nashville et publié en 1973 chez Sonet, cet album était quasi introuvable dans les bacs des disquaires français en 1985.

L'exemplaire que j'acquis chez Sannino était un pressage anglais à l'état neuf, provenant sans doute d'un vieux stock. Il me coûta 93 F soit environ 25 € actuels en tenant compte de l'érosion monétaire due à l'inflation. C'était une somme en 1985 ! Les disques du label Bear Family tournaient autour des 80 F (soit environ 22 €) chez Sannino, un prix que je trouvais déjà élevé.

Pedal steel guitar
Pour ce nouvel album, les musiciens étaient constitués des Comets d'alors (Rudy Pompilli au saxo, Bill Miller à la guitare solo, Ray Cawley à la basse, Buddy Dee à la batterie), auxquels le producteur Sam Charters avait adjoint des musiciens de studio : Lloyd Green (pedal steel guitar et dobro), Jerry Shook (guitare rythmique) et Bobby Wood (piano). Du beau monde devant les micros, donc. Pourtant, si les solos et les arrangements en harmonie (guitare/saxo/steel) sont parfaitement exécutés, l'ensemble est un peu fade. Rey Cawley est bien discret, notamment sur "Personality" où il joue plus "country" que "rock". Lloyd Green, que j'admire comme l'un des plus grands pedal steel guitaristes copie les ricochets et glissandos de Billy Williamson, l'ancien steel guitariste des Comets. Mais le jeu de pedal steel est trop différent du jeu de lap steel. Quant au dobro, un emploi original pour du rock, il sonne trop "country". Le dobro de Red Rhodes sur l'album de Gene Vincent I'm Back and I'm Proud, en 1969, était plus approprié car les morceaux étaient des airs country. Quant à la guitare rythmique de Jerry Shook, était-elle indispensable ? Le piano suffisait pour soutenir le son.

Album concept

Bill Haley 1973
Just Rock and Roll Music, pressage anglais,
eut sa version française : More Rock and Roll Music.
Just Rock… est un album concept en ce qu'il rassemble des titres de rock-and-roll, comme l'explique Sam Charters sur la note au verso de la pochette. Le producteur, spécialiste de blues, voulait profiter de la vague de rock revival et du succès de Bill lors du festival de Wembley en août 1972 pour remettre le roi du rock là où ses fans le voulaient. Sur son album précédent (Rock Around the Country, 1970), Haley avait peut-être trop frayé sur les sentiers de la country ; bien qu'artistiquement réussi, le disque fut un échec commercial. Pour Just Rock..., Bill ne chante que des reprises. Quelques bonnes interprétations : "I'm Walking" (quoiqu'un peu molle) ; "Personality" ; "Bring It On Home To Me" (d'excellents solos de guitare et de steel enchaînés) ; "Lawdy, Miss Clawdy". Je retiens aussi "Crazy Man, Crazy": bien que plusieurs fois enregistrée en studio (en 1953 chez Essex, puis en 1960 chez Warner Bros.), la version 1972 est bien rythmée, avec à la fin une ambiance de soirée spécialement créée dans le studio – Rudy Pompilli criant "Git it , babe!". Pour le reste, les énièmes versions de "Flip, Flop and Fly" et "Whole Lotta Shakin' Goin' On" sont de trop. N'y avait-il pas d'autres titres à reprendre ? D'anciens titres Decca ou Essex de Bill, voire des titres d'autres artistes ?
Bill Haley aux studios Woodland.
Billboard, 12 mai 1979, p. 49.

Whiskey

D'après la biographie de Haley signée par John Swenson(1), les sessions de 1972 furent un "cauchemar pour toutes les personnes impliquées". Charters y raconte les difficultés à faire enregistrer Bill, fortement alcoolisé, qu'il fallait "diriger vers le microphone". Le dernier jour, le chanteur aurait hurlé et cassé du mobilier dans le motel, terrorisant les musiciens enfermés dans leurs chambres. "Rock the Joint" en travaux pratiques, en quelque sorte. Heureusement, ces problèmes de whiskey-soda ne tranparaissent pas sur le disque : Haley chante juste.

Plus de détails sur le disque, voir Discogs.com

(1) Bill Haley, John Swenson, W. H. Allen, London, 1982.



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